mercredi 16 juin 2010

Le Kabuki, théâtre bizarre


"Au Nô j’aime penser, le kabuki j’aime le voir"















Le côté extravagant du Kabuki était renforcé par la sc
ène qui venait jusqu’au milieu de la salle : il arrivait qu’un pont s’élève au dessus des spectateurs et qu’un combat furieux et acrobatique se déroule juste au dessus de nos têtes. Mishima


Spectacle shakespearien

Les trois kanjis du mot Ka-Bu-Ki, désignent respectivement le chant (), la danse (), et la technique () et c’est bien de cela qu’il s’agit : un théâtre très spectaculaire, où acrobatie et extravagance rejoignent des scènes raffinées et passionnées, évoquant le théâtre élisabéthain de Shakespeare.

Mais en vérité, le mot Kabuki ne vient pas de là, mais est issu du verbe kabuku, qui signifie quelque chose comme « être branché », et du mot dérivé Kabukimono qui désignait une jeunesse excentrique habillée outra-geusement et avec des coiffures extravagantes… rien n’a changé !

Le kabuki a connu trois âges : fondé par Okuni, une femme, il a été joué au départ exclusivement par des femmes qui interprétaient les rôles des deux sexes dans des costumes sublimes : les spectacles étaient de véritables défilés de mode.

Mais petit à petit certaines troupes furent moins portées sur la danse, plus sur la prostitution et le gouvernement finit par interdire ces spectacles immoraux.

Alors ce furent des jeunes et beaux garçons qui reprirent le kabuki, remplaçant les femmes ; mais très vite ce théâtre de « mignons » connut les mêmes problèmes de prostitution et homosexualité. Le gouvernement imposât alors que les rôles soient exclusivement joués par des hommes adultes. C’est encore le cas aujourd’hui : l’onnagata désigne cet acteur qui interprète des rôles de femmes, sur la scène… et parfois au-delà.


L’onnagata

Au début, l’acteur de théâtre joue un rôle, ensuite, c’est le rôle qui le possède. Quand l’acteur masculin devient onnagata, il n’incarne pas l’élément féminin, il le signifie : le corps qu’il donne à voir est un corps d’art, car un corps maîtrisé… Roland Barthes.

Pour Roland Barthes : Le visage de l’acteur kabuki ou nô n’est pas peint, ni fardé, il « est écrit » : le blanc du papier, le noir de l’inscription, réservé aux yeux.

Corrélativement, l’acteur dans son masque ne « joue » pas la femme, ni ne la plagie, il la signifie. Ces signes sont extrêmes, non pas parce qu’ils sont empathiques, mais bien au contraire parce qu’ils sont intellectuels, écriture, « les gestes de l’idée », ils purifient le corps justement de toute expressivité, à force d’être signe, ils exténuent le sens ; de cette sorte s’explique cette conjonction du signe et de l’impassivité, impropre car morale et expressive, qui marque tout le théâtre asiatique. Comme dit Mallarmé, l’écriture est faite des « gestes de l’idée ».

De même Mishima, dans sa nouvelle L’Onnagata, saisit la splendeur et la misère d’un acteur qui « à force d’être femme, finit par atteindre l’éternel féminin, mais au prix d’une théâtralisation perpétuelle de sa vie ».


Le nô

Si le kabuki a su, malgré ses transformations, rester un théâtre populaire, voire un théâtre de révolte contre le pouvoir, le nô, à l’inverse est un théâtre aristocratique et religieux, promu par les prêtres bouddhistes et protégé par les samouraïs. La gestuelle y très lente et très codifiée, rythmée par les fameux miiye qu'ont représentés les graveurs d’estampes : l’acteur fige quelques secondes son geste ou sa mimique afin d'en accroître l'intensité.Le théâtre nô est aussi connu par ses masques, ses costumes, et par la beauté de ses théâtres, en général en plein air (voir ci-dessous).



Mots-clés : La dramaturgie du Kabuki

La scène de meurtre était un des moments forts des pièces de Kizewa. Ce genre apparût à la fin du XVIIIème siècle sous une cinglante impulsion de réalisme, où campaient de grand-guignolesques descriptions de bas-fonds avec leur faune de petites frappes, de mendiants rapaces, d’amants louches.

Ils avaient pour héroïnes les akuba, litt. les « mauvaises vieilles » qui n’étaient en fait ni vieilles ni mauvaises, mais victimes du destin. Elles avaient pour sobriquets « la goule », « la furie », « la balafrée ».

A l’origine inspirées de la réalité et transposées au théâtre, il arrivât que ce fut l’inverse : Takahashi O-den, par exemple, expia bien réellement sous l’échafaud en 1879 après une série d’escroqueries et un meurtre perpétrés dans le plus pur style du kabuki !

Extrait d’un article de Patrick De Vos, La dramaturgie du Kabuki, dans la revue « Musical »

« Le Kabuki », n°5, 4e trimestre 1987.



A voir :

Spectacle de théâtre Kabuki à Tokyo, près du temple Asakusa, représentations permanentes et ouvertes à tout public – à ne pas rater ! Dans une rue à gauche à 100 m du temple Senso-ji. Le spectacle est aussi dans la salle !



DVD « The best selection of Kabuki », notamment le titre Yamato Takeru – extrait vidéo sur YouTube :

http://www.youtube.com/watch?v=YGmOXXY72K4



Architecture de théâtre Nô à Asaba, Shuzenji

http://community.webshots.com/photo/fullsize/2775292880074150172jGJnIz

C’est en fait un petit théâtre du 17e siècle qui appartient à un Ryokan très ancien dans lequel on peut loger (c’est très très cher !)


A lire :

Mishima, Nouvelles « Death in midsummer, Onnagata… » , Penguin Books (31 août 2000)

Roland Barthes, L’empire des signes, Ed. du Seuil 2005



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